La vie de Charles Corrin (zal)
Un homme honorable et un fervent philanthrope.
« Parce qu’il a connu l’horreur des camps, parce que l’oubli est inconcevable, Charles Corrin est un militant dont l’engagement vis-à-vis de la communauté, d’Israël, de son peuple, est total », explique l’AUJF. « L’histoire d’un peuple, le parcours d’un homme : Charles Corrin ».
Né le 25 mars 1925 à Ostrowiec en Pologne, Charles Corrin, jeune immigré en France à la veille de la Seconde Guerre mondiale, connaît avec toute sa famille les persécutions nazies.
Le 10 octobre 1942, tandis que les juifs d’Ostrowiec sont déportés à Treblinka, il se « faufile » parmi la cinquantaine d’hommes sélectionnés pour travailler dans l’usine locale.
Au printemps 1944, il est conduit à Auschwitz, d’où il est évacué lors de la « Marche de la Mort » en janvier 1945. Il passe encore cinq mois à Buchenwald, puis à Theresienstadt, pour être finalement libéré en mai 1945. Il est le seul rescapé.
C’est à 20 ans à peine que commence son combat et qu’il devient militant engagé auprès des institutions communautaires. Associations, fondations, œuvres diverses : tant d’organismes auxquels il a contribué.
En 1946, il émigre à Paris où il fonde sa famille. Avec sa femme Annie, ils sont les parents de trois filles (Sylvie, Eliane, Elise). Jusqu’à sa disparition le 11 novembre 1991, son action militante au sein de la communauté juive ne connaîtra pas de frein : mécénat, campagne de collecte, création d’œuvres sociales en Israël. « Il n’hésitait pas à passer plusieurs heures de suite auprès de la même personne afin de la convaincre de donner pour Israël. C’était un homme têtu et opiniâtre, lutteur et généreux, il était impossible de ne pas l’estimer », déclare Bernard Korn Brzoza, ancien président du Comité du Marais.
Charles Corrin a dû fournir un effort considérable et a pris son courage à deux mains pour, en 1962, aller témoigner à Francfort lors du procès d’un ancien nazi. Son souhait : aller jusqu’au bout pour vaincre l’oubli et n’avoir aucun regret.
Il prête notamment son aide au journaliste, écrivain et producteur Claude Lanzmann pour réaliser le film « Shoah », sorti en 1985 et considéré comme l’un des plus grands documentaires jamais faits sur l’histoire de la Shoah. Filmé à travers 14 pays et prenant 11 ans pour être réalisé, ce film relate, à travers plus de 9 heures de témoignages, le voyage des juifs européens vers les camps de la mort au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pour Charles Corrin (zal), il tenait à cœur de contribuer à la réalisation de ce film et de lutter contre l’oubli de cette mémoire, qui menace les générations à venir.
Citoyen d’honneur de la ville de Netivot, Charles Corrin a initié des actions pendant plus de dix ans dans l’ambition d’aider les plus démunis à travers la construction de classes maternelles, de cliniques dentaires, d’une salle de sport et d’un lycée. Ce centre communautaire a été rénové grâce aux dons de la communauté juive de France.
Charles Corrin a été pendant de nombreuses années membre d’associations d’anciens déportés, a apporté son aide aux comités de divers hôpitaux et a été trésorier du Comité Yad Vashem, Institut National pour la mémoire de la Shoah. Il a également aidé le Centre Simon Wiesenthal dans ses activités en Europe.
En 1989, il concrétise le projet qui lui tenait à cœur : créer un fonds pour perpétuer le souvenir du Génocide. « J’ai eu la chance de m’en sortir, cela doit servir à quelque chose », disait Charles Corrin. Il décide ainsi, en collaboration avec le Fonds Social Juif Unifié, de concrétiser son projet et de créer un fonds pour lutter contre la banalisation et l’oubli de cette tragédie. C’est ainsi que le fonds Annie et Charles Corrin pour l’enseignement de l’histoire de la Shoah a vu le jour.
Voici un témoignage de Charles Corrin et son vécu dans les camps:
Communauté Nouvelle :
« Un printemps 45. La date exacte, je ne pourrais vous la dire ; nous n’avions pas de calendrier ; j’allais avoir 20 ans. C’était à Ohrdruf, un camp à 60 km de Buchenwald, dans les montagnes près de Weimar… Je n’en pouvais plus. Nous nous levions à 5 heures ; un peu de pain noir et d’eau noirâtre ; puis nous partions travailler dans des usines souterraines, sans eau toute la journée. Chaque soir, plusieurs membres du commando étaient morts… Le soir, nous buvions une soupe liquide sans pain, sans rien… la neige collait aux galoches de bois que nous portions, rendant le trajet insupportable… Alors j’ai pris le risque d’aller au Revier (infirmerie) pour 2 ou 3 jours ; les malades étaient soumis à la sélection. Et j’ai attendu la mort ; je me suis demandé ce que j’avais accompli dans ma vie, et j’ai pensé que si je survivais, si j’avais la chance de me trouver un jour sur mon vrai lit de mort, je me reposerais cette question, et qu’il faudrait alors que je n’aie pas de regrets. »
Homme humble et militant très engagé pour la communauté et Israël, Charles Corrin n’a jamais voulu qu’on le mette en avant et a ainsi pris à cœur l’enseignement de la Shoah.
Ne pas oublier le passé, perpétuer la mémoire de la Shoah et agir pour construire l’avenir du peuple juif ; telle peut être la principale leçon que Charles Corrin nous aura laissée.