Les ateliers Annie et Charles Corrin, le futur de la mémoire
La mémoire en devenir, une mémoire citoyenne et consciente
Les mémoires de la Shoah sont fragiles et la disparition inéductable des derniers témoins renforce cette fragilité… Il n’y aura bientôt plus de rescapés pour raconter leur terrible périple durant cette période de l’histoire de l’humanité. « Charles Corrin était très soucieux, il me disait sans cesse, faisons vite, bientôt les derniers survivants ne seront plus là pour témoigner », rapporte Prosper Elkouby, ancien Secrétaire Général du Jury du Prix en 1996.
Cette époque particulière que nous traversons, n’échappe pas à ce constat ; chaque jour nous apporte son lot de cruauté, de montée des extrêmes, de hausse constante d’actes antisémites, de peur de la différences et de l’altérité dans le monde. 75 ans après la Shoah, l’objectif du prix Annie et Charles Corrin pour l’enseignement de l’Histoire de la Shoah est de garder vivante l’histoire de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu l’horreur et de permettre à la jeune génération de s’emparer de cette mémoire active et d’en devenir le relais.
Voici ci-dessous une réflexion de Monsieur André Frossard, de l’Académie Française, Premier Président du jury de 1990 à 1995 qui évoque avec justesse le fait que les déportés n’ont jamais eu cet esprit de plainte ou de revanche et y aborde l’importance de la transmission, porteur de message pour les jeunes.
« Les rescapés de la Choa ( première orthographe utilisée pour le terme « Shoah ») n’en parlent pas pour se faire plaindre, beaucoup d’ailleurs n’en disent rien. La pierre de la tombe s’est soulevée pour eux, ils regardent étonnés le monde qui leur a été rendu contre toute attente et ils s’aperçoivent bientôt que les vivants ne comprennent pas le langage des morts qu’ils furent quelque temps et qu’il reste encore cette part d’eux-mêmes qui n’a jamais été, qui ne sera jamais libérée ici-bas.
Mais si discrets qu’ils soient, comme notre Fondateur, Charles CORRIN, le malheur a fait d’eux les témoins du crime le plus inconcevable qui se soit commis sur la terre, et ils savent qu’il est de leur devoir d’empêcher que le souvenir s’en efface, car la haine n’attend que l’oubli pour recommencer.
Il ne s’agit pas de terrifier nos enfants, en leur ouvrant les abîmes de notre Mémoire, mais de donner à la bonté de leur cœur l’occasion de s’exprimer, afin que leur souvenir ne ressemble pas à notre passé ».
Notre engagement de tous les jours
L’Action jeunesse du FSJU, à travers son programme NOÉ pour la jeunesse fédère tous les acteurs de l’éducation informelle en soutenant des projets liés à la mémoire et la transmission et en accompagnant les structures dans leur projet. Ce travail s’effectue en partenariat avec les organismes de formations spécialisés tels que le Mémorial de la Shoah.
En juillet 2022, une délégation de jeunes, fédérés par NOE pour la Jeunesse s’est ainsi vu animer une table ronde sur la thématique « Avoir 20 ans, 75 ans après la Shoah », dans le cadre de l’évènement Forum génération Shoah organisé au Mémorial de la Shoah à Paris, et qui rassemblait plus de 500 personnes. Des acteurs du monde étudiant et le collectif des mouvements de jeunesse étaient présents afin d’échanger sur les pratiques actuelles mises en place pour sensibiliser les jeunes à cette période charnière de passage de flambeau de la transmission. Opérations de collage menées par l’Union des Etudiants Juifs de France, témoignages d’enseignants lauréats 2021 du Prix Annie et Charles Corrin pour l’enseignement de l’Histoire de la Shoah, retour de jeunes sur leur voyage mémoriel en Pologne, nouveaux leviers de transmissions tels que les stories Instagram et autre Youtubeurs en direct diffusés sur Internet, tant de thèmes qui furent évoqués avec beaucoup d’intérêt et enregistrés pour être diffusés en deux émissions sur RCJ.
Les mouvements de jeunesse ont eu enfin la chance de participer à la cérémonie de clôture de la journée, sous la forme d’un tableau théatral, rendant hommage aux rescapés et enfants cachés tel que Ginette Kolinka, Marceline Loridans-Ivens, Joseph Weismann et bien d’autres. Un message qui a rassuré la génération des aînés, heureuse de constater une prise de conscience de la jeunesse, porteuse de promesses pour le futur de la mémoire.
L’équipe jeunesse NOÉ au côté de Serge et Beate Klarsfeld
Comment transmettre la mémoire de la Shoah aux enfants et adolescents ?
Rencontre exceptionnelle avec Ginette Kolinka
Dans le cadre des Ateliers Annie et Charles Corrin qui prolongent à l’année le Prix Corrin pour l’enseignement de l’histoire de la Shoah, le département Jeunesse du FSJU-Fond Social Juif Unifié a reçu le dimanche 21 mai 2023, Ginette Kolinka, rescapée d’Auschwitz. Plus de 250 personnes ont assisté au témoignage puissant de sa déportation, dont une majorité de collégiens du 95 emmenés par leurs professeurs sur la base du volontariat. De nombreuses questions ont fusé dans la salle après le récit poignant de Ginette Kolinka dont la résilience et la force de se rendre disponible auprès de la jeune génération sont un précieux legs pour continuer inlassablement ce travail de mémoire. Réunis sur le plateau de l’Espace Rachi, les élèves attendris et encore tout émus ont entouré notre grand témoin de 98 ans qui a entonné le chant des déportés et s’est prêtée ensuite à une longue séance de dédicaces. À la question fébrile d’une jeune de 12 ans de savoir comment porter cette transmission après la disparition des témoins, Ginette dans un parler franc et décisif à enjoint l’assemblée à porter le flambeau : « Notre parole est dans vos mains ! ».
L’occasion pour le public d’écouter le parcours de cette femme exceptionnelle, passeuse de mémoire.
Visite du Mémorial de la Shoah
Le dimanche 12 novembre 2023, l’action jeunesse NOÉ du FSJU avons offert aux animateurs et animatrices des mouvements de jeunesse l’opportunité de visiter le Mémorial de la Shoah, accompagnés d’un guide expert. Cette expérience a constitué une occasion unique pour eux d’acquérir une compréhension approfondie du génocide des Juifs, en explorant les mécanismes de sa mise en place, de son déroulement et les résistances, notamment juives, qui y ont fait face.
Cette visite a permis aux animateurs dont les mouvements ont participé aux révoltes des ghettos, notamment de Varsovie et de Vilnius, de mieux apprécier l’héritage dans lequel s’inscrit leur engagement.
Nous avons visité l’exposition permanente et nous sommes recueillis au Tombeau du martyr juif inconnu, comprenant pleinement la portée de ce génocide en contemplant le Mémorial des enfants et le Mur des noms, où sont inscrits les 76 000 noms des Juifs déportés depuis la France.
Cette visite résonnait avec l’actualité parfois difficile, rappelant à chacun la nécessité de lutter pied à pied contre l’antisémitisme, tous les racismes et le fascisme. C’était un moment puissant pour réaffirmer notre engagement en faveur de la mémoire, de la tolérance et de la lutte contre l’injustice.