Témoignages

« Il y a souvent des doutes qui sont exprimés sur la transmission de l’histoire de la Shoah, des inquiétudes et on peut les comprendre, mais en même temps, l’on voit que beaucoup sont faits, par les professeurs et l’institution pour que cette transmission se fasse et elle se fait. Les élèves comprennent les enjeux, s’investissent, s’engagent, et c’est très beau à voir car il y a beaucoup d’authenticité, beaucoup d’approfondissement et de travail, et beaucoup d’humanité. »
Jean-Michel Blanquer
Ancien Ministre de l'Education Nationale
« En voyant tous ces jeunes et tous ces représentants ici présents, et notamment aussi Monsieur Blanquer, notre Ministre de l’Education Nationale, une pensée me vient pour mes parents et leur pari de faire ce prix en 1991, il a été terminé et remit pour la première fois en 1992. Je me dis en vous voyant, qu’ils ont réussi. Vous êtes la démonstration que leur pari, leur volonté viscérale, a réussie, grâce à vous, grâce à votre travail, grâce à cette mémoire que vous transmettez, parce qu’effectivement, les témoignages directs maintenant s’estompent, et ce sera d’autres élèves, et vous, dans votre vie, lorsque vous serez adultes, qui transmettrez la mémoire. Mes parents avaient toute confiance en la jeunesse, et la preuve en est qu’ils ne s’étaient pas trompés. »
Sylvie Corrin
Avocate, fille de Annie et Charles Corrin. Cérémonie de la 30ème édition du Prix Annie et Charles Corrin, 2021
«Je souhaite aussi un bon anniversaire au Prix Annie et Charles Corrin, 30 ans, ça se fête, Annie et Charles. Ils doivent être extrêmement heureux de voir que ce prix continue, essaye, et qu’il y a une transmission depuis leur départ. En la qualité de membre du jury depuis trois ans, j’ai l’honneur, en cette heure un peu tardive, de vous remettre la mention spéciale du jury, chers élèves. Je salue l’engagement de tous les professeurs présents ce soir, qui ont porté ces projets dans les écoles de la République, en lien avec les programmes scolaires, d’histoire. Vous, élèves de troisième, avez, dans un contexte de crise sanitaire, réalisé un travail sur l’histoire locale qui a retenu l’attention du jury. Ce projet s’intitule « Sur les traces de Leopold Silbermann et Moszek Wisnia, en quête d’histoire ». Simone Veil, qui était la première présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, institution qui d’ailleurs a soutenu le Prix Annie et Charles Corrin, comme tant d’autres actions, est représentée ce soir par la DGA, Gabrielle Rochmann, et Simone Veil, comme le disait tout à l’heure son petit-fils, qui s’est beaucoup engagé sur ces questions , aurait été particulièrement fière, chers élèves de votre travail engagés, qui en conjugue avec intelligence, émotions, le récit d’aventures humaines et tragiques durant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi que vous allez le présenter dans quelques instants, vous-même et d’autres professeurs, avait accompagné avec une formidable ardeur, un projet de classe sur l’histoire de deux familles de Palaiseau dans le département proche de l’Essonne. Lors des réunions avec le jury et l’équipe du département jeunesse du FSJU, nous avons été particulièrement sensibles à la pédagogie déployée et avec détermination, vous avez fait preuve, chers enseignants, chers élèves, deux années essentielles pour transmettre sans relâche et faire des jeunes des vigies citoyens. Chers professeurs, nous sommes tous témoins que vous avez donnés des ailes à vos élèves, muni désormais en apprenti chercheur, afin qu’ils prennent leur envol à travers un projet interdisciplinaire autour de l’histoire, de la mémoire, de la recherche d’archives, de l’art, du travail. Dans un travail de terrain minutieux et remarquable avec le concours de la municipalité de Palaiseau, mais aussi de notre grand partenaire, du Mémorial de la Shoah. Cette histoire incarnée du destin tragique de Leopold Silbermann et de Moszek Wisnia, nous a permis de voir comment l’antisémitisme a mené à la destruction de 6 millions de juifs et à vous engager dans le futur nous l’espérons, à combattre chers élèves toutes les formes de préjugés qui ont lutté contre l’antisémitisme et le racisme qui engraine notre société. À travers votre travail sur le compositeur Leopold Silbermann et sur Moszek Wisnia, vous nous démontrez que la transmission de valeurs grâce à vos professeurs et à votre engagement sans failles. Et vous allez être récompensés chers élèves, le petit-fils de Moszec Wisnia, Serge Wisnia et sa fille Vanessa. Depuis trente ans et plus que je réaffirme sa vocation de porter la spécificité et l’universalité de l’histoire de la Shoah, car nous pensons qu’à la culture, l’école, et le langage comme le disait souvent Anna Beltolida, pacifique. Albert Camus dans la Peste, livre si actuel aujourd’hui, disait « Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n’est pas éclairée » Vous, élèves et professeurs, lauréat du prix Corrin, vous nous avez aussi éclairés par vos travaux et vos recherches, dans ce travail de mémoire, vive et active. Je souhaite aussi la bienvenue à deux membres du jury, Judith Volcot et Carolle Marciet. Nous sommes ravis, chère Carolle, chère Judith, de votre présence dans ce jury »
Rachid Azzouz
Inspecteur général et membre du jury Corrin. Cérémonie de la 30ème édition du Prix Annie et Charles Corrin, 2021
« Avec la disparition actuelle de la majorité des témoins de la Shoah, comment continuer à transmettre cette mémoire ? Christian Boltanski parle très bien de cela. Il s’agit de quelque chose de naturel, du passage du temps. Les survivants meurent de concert avec leur génération. Il ne reste plus beaucoup d’historiens d’après-guerre : Mona Ozouf, Michelle Perrot, Pierre Nora ; François Furet, Emmanuel Leroy-Ladurie, Anne Kriegel, qui était ma directrice de thèse, Pierre Vidal-Naquet, sont morts. Il y a donc un passage d’une génération à l’autre. La Seconde Guerre mondiale s’éloigne, et la mémoire, dans les familles, se perd. La sensibilité à cette époque, qui vient de récits incarnés par des personnes qui l’ont vécue, n’existera bientôt plus, et cela est une difficulté pour la transmission de cette histoire. On perds cet air du temps, on gagne en archives déclassées. Avec les derniers témoins, on perds surtout le fait d’appartenir à la même période. Cette histoire est en train de se détacher des lieux, des femmes et des hommes qui l’ont vécu. C’est aussi lié au passage du temps. Mais l’histoire s’écrit et s’enseigne avec ou sans témoin vivant. »
Annette Wieviorka
Entretien, Le Grand Continent, 2020
« Nous avons vraiment fait connaissance il y a une douzaine d’années. Nous revenons ensemble d’une réunion pendant laquelle nous avions évoqué les problèmes de la seconde Guerre mondiale et de la déportation. En route, Charles m'a expliqué ses préoccupations concernant la Choa et la transmission de son expérience dans ce domaine. Puis, lentement, il s'est mis à parler... à raconter son enfance, sa déportation, les différents camps par lesquels il était passé, la marche de la mort à laquelle il a survécu, sa libération miraculeuse… Je découvrais « l’homme » et son passé et je lui ai demandé pourquoi il ne racontait pas cette expérience. Il m'a avoué qu'il n'arrivait pas à en parler et que le fait qu'il a pu ce soir-là me narrer certains événements de sa vie lui donnait le courage d'en parler à ses enfants et à son entourage. Il se demandait comment lutter contre l'oubli de cette période. Je crois bien que c'est à ce moment-là qu’est né dans son esprit l'idée qu'il devait concrétiser dix années plus tard de la création d'un fonds pour encourager l'enseignement de l'histoire de la Choa. »
Raphy Bensimon
Ancien commissaire général des éclaireuses et éclaireurs israélites de France et ami proche de Charles Corrin ( AUJF )
« Je crois que c'est important que ce n'est pas cette mémoire là et le fait de l'entretenir qui empêche qu'en France, on tue des juifs parce qu'ils sont nés juifs. Avant cela, depuis certes trois mille ans, on nous tue parce que nous sommes juifs, c'est peut-être là la faillite de notre mémoire. Mais qu'est-ce qu'il nous reste comme arme aujourd'hui à proposer pour lutter, pour se rapprocher des autres, à expliquer qui nous sommes, qu'est-ce qu'on peut proposer pour qu'aujourd'hui, nous puissions être reçus dans l'universel. Il faut que nous puissions garder notre spécificité et rappelez-vous qu'il y a certes auprès des autres, mille et une façons d'être juif mais l'essentiel c'est de le rester. C'est justement parce que nous voulions rester que nous devions entretenir la mémoire. Cette exigence-là, nous la devons à ceux qui sont morts depuis la nuit des temps parce qu'ils sont morts comme juifs. C'est cela notre exigence, et nous devons la rappeler. Est-ce que pour autant, nous ne serons pas dans la communauté des hommes, est-ce que pour autant, nous ne serons pas dans l'universelle, c'est faux. Lorsque les juifs succombent, lorsque nous succombons, c'est le marchepied pour la faillite de l'universelle. Si nous tombons dans notre société, la société tombe encore. L'histoire, simplement, celle que nous vivons aujourd'hui est justement cet appel à la vigilance de notre part, mais vigilance ne veut pas dire communauté d'esprit, vigilance ne veut surtout pas dire altruisme. Nous vivons avec les autres parce que nous appartenons tous à la communauté des hommes »
Richard Zelmaty
Président du CRIF : Conseil Représentatif des Institutions Juives de France - Rhône-Alpes Séminaire Hineni Lyon - 11 novembre 2022 : Table ronde : Mémoire Courte
« Charles Corrin, tous ceux qui l'ont connu le savent, était un homme exigeant. En l'occurrence il savait très exactement ce dont il ne voulait pas, il ne semblait pas, pendant plusieurs mois, que nous parviendrions à comprendre parfaitement ce qu'il voulait. Plusieurs projets successifs lui ont été présentés. Il les a tous refusés, parfois avec la brusquerie caractéristique des hommes extrêmement généreux et sincères. C'est que le travail sur la mémoire de la Choa, et Charles Corrin le ressentait profondément, n'est pas chose facile. Il faut concilier deux impératifs qui peuvent paraître a priori quelque peu contradictoires : d'une part affirmer la spécificité juive de la Choa, et d'autre part diffuser l'enseignement universel que l'humanité doit en retenir. La préservation de la mémoire de la Choa doit sans cesse conjuguer le particulier et l'universel. Vouloir gommer la spécificité juive de la Choa, c'est, nous le savons, un premier pas vers la banalisation, c'est la porte ouverte à la négation ou à la falsification. Ne retenir c'est là une tentation qui se comprend davantage de la part de ceux qui ont souffert que la spécificité juive de la Choa, c'est risquer de se condamner à une incapacité de transmettre aux générations présentes et futures de l'humanité, c'est risquer de favoriser l’oubli. Pour lutter contre la banalisation et contre l'oubli, Charles Corrin souhaitait profondément que la mémoire de la Choa exprime autant la spécificité que la portée universelle de l'horreur d'Auschwitz. C'est pourquoi, il a adhéré immédiatement et sans réserve, lorsque le projet d'organiser ce concours pour couronner des travaux didactiques et des projets pédagogiques en milieu scolaire lui a été présenté. »
M. David Saada
Ancien directeur général du FSJU ( Communauté Nouvelle, Juin 1994 )
« Je sais que la vie des déportés a été très difficile, c'est pour cela que j'ai admiré leur courage. Ils nous ont raconté les atrocités de la déportation. J'ai ressenti une très grande émotion dans leur voix et dans leurs récits. Je n'ai plus la même vision des événements depuis que je connais la vérité. Je me rends compte que cela s'est réellement passé. En effet, avant d'étudier cette partie importante de notre histoire, je n'avais que très peu entendu parler des camps de concentration et d’extermination ; je ne pensais vraiment pas que cela avait été si atroce et si grave ».
Cyril Gournet ancien lauréat au collège Les Cuvelles de Vaucouleurs
Prix Annie et Charles Corrin, 1994
« Incrédulité, stupeur, horreur, honte : Tels sont les mots qui me sont venus à l'esprit, suite à mon voyage à Auschwitz. Incrédulité, stupeur : auparavant, je ne parvenais pas à réaliser qu’elles avaient été les souffrances endurées par les prisonniers au camp de la mort.
Horreur : tout ce que j'ai pu observer relève de l'insoutenable.
Honte lors de mon arrivée à Auschwitz, je me suis vraiment interrogé : Comment des hommes avaient-ils pu agir ainsi envers d'autres hommes ? Ce que l'on peut retenir d’un tel voyage devenu se résume en une seule phrase "Plus jamais cela ».
Olivier Bouan, ancien lauréat au collège Les Cuvelles de Vaucouleurs
Prix Annie et Charles Corrin, 1994
« Parmi tous les dons qui composaient sa forte personnalité, sa vivacité d’esprit et sa générosité, ce qui forçait le plus l’estime et l’admiration c’était de constater que partout où Charles Corrin apportait son généreux soutien matériel, il apportait également son engagement de cœur et d'action qui décuplaient la valeur de sa générosité personnelle. Donner et faire donner, agir et faire agir, cela lui paraissait aller de soi, son itinéraire de vie. Il est resté fidèle à cette conduite jusqu'au sacrifice. La veille de sa rechute fatale, et avant de rejoindre la mission de l'Appel Unifié venant en Israël, il s'était encore rendu à Aschkelor pour étudier un projet en vue de créer des emplois pour la nouvelle aliya d'URSS ».
Claude Kelman, membre de la Résistance et dirigeant de la Fédération des sociétés Juives de France ( FSJF)
L'Arche, 1992